Le Chasseur de la Nuit

Les Hautes Chaumes par Edouard Elzingre
Les Hautes Chaumes par Edouard Elzingre
Edouard Elzingre

A chaque œuvre d’Henri Pourrat se rattachent un ou plusieurs lieux emblématiques du territoire Livradois Forez. Avec Le Chasseur de la Nuit , l’auteur nous emmène sur les Hautes-Chaumes.

À l’origine, Le Chasseur de la nuit, paru en 1951, n’aurait pas dû être écrit par l’écrivain ambertois. C’est son amie de jeunesse, Claude Dravaine, qui aurait dû en être l’auteur, elle qui avait été institutrice « là-haut », dans les Monts du Forez et qui avait entendu raconter cette histoire dans les villages. Mais Claude Dravaine n’en fait en définitive qu’une chronique. Elle a, semble-t-il, choisi de vivre retirée à Nouarra et ne cherche pas la notoriété. « Mon père lui a proposé de lui racheter le sujet et d’écrire lui-même le roman, relate Annette Lauras, fille d’Henri Pourrat. C’était aussi une façon d’aider Claude Dravaine qui était alors dans la misère ».
Pour Henri Pourrat : « C’est un récit. C’est peut-être un songe. »

Et cette chronique confiée donc par Claude Dravaine, Henri Pourrat va en faire un roman qui confine au fantastique. Il relate l’amour impossible entre Amélie et Célestin, deux jeunes gens qui vivent sur les Hautes-Chaumes au début du siècle dernier. Un récit sur fond de vie pastorale mais aussi de guerre. Les hommes sont appelés et bientôt, les villages se vident, la main-d’œuvre manque et les travaux des champs s’en ressentent.

Les Hautes Chaumes par Edouard Elzingre {JPEG}

Dessin sur la vie dans les Hautes Chaumes réalisés par le Suisse Edouard Elzingre pour Ceux d’Auvergne

Mais dans la montagne, il y a aussi des croyances, des légendes auxquelles, génération après génération, on continue de croire. Comme celle du Chasseur de la Nuit justement, ce « chasseur noir » dont l’ombre plane parfois et qui apporterait avec lui le malheur. L’autre personnage important du roman, c’est peut-être bien la montagne elle-même. Car c’est bien elle qui va dicter la vie des personnages. Vie agricole, forestière, pastorale, toujours au rythme des saisons.

« Par mauvais temps, il faut tâcher de se dire qu’on vit à la rude, à la fraîche. Le vent, la pluie, vous font la vie dure en montagne ».

Henri Pourrat (Dans « Le Chasseur de la Nuit »)

Le jeune Célestin est employé comme vacher à la Croix du Fossat. Il mène ses bêtes au pâturage près du Chei de l’Aigle, « cette cime de Mont-Thialei qui ne le cède en hauteur qu’à Pierre-sur-Haute ». Et même si on lui interdit d’aller si haut faire paître ses vaches, pour le jeune homme, au Chei de l’Aigle, « on est au-dessus de ce qu’il y a de mauvais dans le monde ». La vie dans les jas se situe sur les crêtes, au-dessus de la zone forestière. Les fermes, elles, sont « en bas ».

Le Chei de l’Aigle, Amélie et Célestin en ont fait leur « maison ». Ils y gardent le troupeau en faisant des chapelets pour une fabrique d’Ambert. Et cette montagne, malgré tout le travail qu’on y réalise, incarne aussi une certaine forme de liberté avec ses grands espaces, ses Hautes-Chaumes où « après Pâques le soleil mène vite la pousse ». La montagne des estives a, écrit Henri Pourrat « ce on ne sait quoi de rude et de frais, et de pur : cette sauvagerie étincelante, les éboulis de terre maigre à grands quartiers de pierres, les ravinements des ruisseaux, les mottes en échelles, enfin la sauvagerie qui permet d’aller au travers de tout si librement ».

« Le malheur sait prendre cent formes pour entrer dans les vies »
. Le roman dépeint la vie dans les montagnes du Forez il y a un siècle, avec ses croyances et ses légendes, la vie des « gens de là-haut ».

Texte de Laurence Tournebize

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